L’âge d’or de l’amande du Comtat
Enraciné en terre provençale, l’amandier fut longtemps un arbre sauvage, offrant librement ses amandes à la cueillette. Au XIXème siècle, sa mise en culture fut un succès éclatant. Entre 1880 et 1920, la Provence devint la première région productrice d’amandes au monde, la ville d’Aix-en-Provence s’affirmant comme plaque tournante de ce négoce largement tourné vers l’exportation. Pour sa saveur hors du commun, l’amande du Comtat était alors très recherchée. A partir des années 30-40, les Californiens plantèrent des centaines d’hectares et envahirent le marché mondial avec des prix très bas. L’amandier fut peu à peu délaissé. Au pied du Ventoux, on planta des vignes, plus rentables. Les amandiers faillirent être rayés de la carte, à l’exception de quelques vétérans, vestiges d’un passé glorieux.
Trente hectares récemment plantés
L’histoire se serait arrêtée là sans la persévérance de deux fils du pays marchant sur les traces du personnage de Giono, « L’homme qui plantait des arbres ». Nés dans une famille paysanne, les frères Silvain, Pierre et Philippe, ont décidé de faire renaître les amandiers au pied du Ventoux. Une culture exigeante si on veut la rendre économiquement viable. L’amandier est le premier arbre annonciateur du printemps. Il fleurit généralement en janvier, avec les risques de gel que cela comporte. Alors au pied du Ventoux, à côté de la quarantaine de variétés anciennes référencées, on cherche à développer des variétés tardives, repoussant la floraison jusqu’à mi-mars. 30 hectares d’amandiers ont été plantés depuis une dizaine d’années entre Saint-Didier, Méthamis, Venasque et Le Beaucet. 15 tonnes sont produites chaque année, ce qui est pour l’instant insuffisant pour répondre aux seuls besoins locaux. L’amande du Ventoux, fruit rare, est recherchée pour sa saveur et ses vertus bénéfiques pour la santé. Le verger récent devrait monter en puissance, et le rythme de plantation s’accélérer.
Saveurs ancestrales et recettes inédites
De l’amande au nougat, il n’y a qu’un pas. Du miel de lavande qu’on laisse délicatement caraméliser, des amandes, grillées ou nature, un ajout de blanc d’œuf monté en neige pour le nougat blanc, le tout coulé entre deux fines bandes de pain d’hostie. Voilà la base de la recette, qui possède de multiples variantes. Le parfum qui flotte sur les chaudrons rappelle celui qui embaumait jadis les cuisines familiales au moment des fêtes de Noël. Le nougat noir et le nougat blanc font partie des treize desserts de la table calendale en Provence. Les nougats du Ventoux perpétuent une tradition ancestrale et se taillent une belle réputation auprès des gourmets. Deux « maisons » à la forte personnalité continuent de le mitonner dans les règles de l’art. La prestigieuse nougaterie Boyer de Sault, en plein pays des lavandes, a acquis de longue date ses lettres de noblesse. On vient de loin chercher « le vrai nougat de Sault ». L’enseigne figure même au Guinness Book pour avoir réalisé une barre de nougat de 180 kilos ! A Saint-Didier, les frères Silvain affirment quant à eux leur double identité de paysans nougatiers, un pied dans la terre et l’autre à l’atelier, cultivant leurs amandes, récoltant le miel de leurs ruches pour fabriquer leur propre nougat en s’inspirant des recettes de leur grand-mère. Le souvenir des saveurs d’enfance fait bon ménage avec l’esprit d’innovation et les recettes inédites.