La naissance de l’apiculture moderne
Le miel fait partie de ces nourritures offertes à l’homme par la nature. Don royal, il garde comme un goût de paradis terrestre. Nos lointains ancêtres allaient le cueillir dans les arbres bien avant de se faire agriculteurs. Plus tard, l’homme a hébergé les abeilles dans des ruches. Mais ce n’est qu’au XIXème siècle qu’est apparue l’apiculture moderne. L’ idée d’associer la culture de la lavande et la production de miel, dans les années 1920, a donné naissance en Vaucluse à une nouvelle forme d’élevage florissant, particulièrement autour du Ventoux. Bergers des abeilles, les apiculteurs veillent sur leurs troupeaux ailés. Ils les installent à la saison froide en des points d’hivernage abrités. Dès le printemps, les ruches sont déployées près des lieux de floraison. Une migration qui suit le calendrier des fleurs. Les abeilles s’en vont butiner d’abord le romarin, le thym, la garrigue. Puis on les emmène en transhumance chercher des fleurs fraîches sur les hauteurs drômoises ou alpines avant de les ramener au pays pour un festin de lavandes.
Un art d’attention et d’équilibre
L’art de l’apiculteur est tout d’attention et d’équilibre. Une ruche héberge entre 20 000 et 70 000 abeilles, chacune remplissant des tâches qu’elle connaît d’instinct. En 45 jours, le temps d’une vie d’abeille, les ouvrières sont nettoyeuses, nourrices, cirières et ventileuses avant d’accéder au rang de butineuse. Mais l’ordre impeccablement réglé de la ruche peut se trouver menacé. Trop de nourriture, et c’est la fièvre d’essaimage qui emporte au loin la reine fécondée. Un déséquilibre entre colonies fortes et faibles, et c’est le pillage de l’une par l’autre. L’apiculteur doit surveiller l’état des ruches et du couvain, déceler les signes avant-coureurs d’éventuels dérèglements. Un art subtil qui compose avec une part de mystère. Ainsi, quand c’est le moment, les abeilles font maigrir la reine pour qu’elle puisse s’envoler et se faire féconder. Reines et faux bourdons se donnent rendez-vous, par des voies inconnues, en un point précis du temps et de l’espace, pour un ballet de noces aériennes qui assure la reproduction de l’espèce.
Tous les parfums du terroir
Ils sont 619 apiculteurs à exercer en Vaucluse, dont une grande partie dans le Ventoux. Certains veillent sur 100 à 150 ruches, d’autres sur des centaines de ces abris garnis de cadres que l’on récupère pour prélever le miel déposé au creux des alvéoles. Décanté et filtré, ce nectar cristallise naturellement. Vendus sur les marchés ou dans les réseaux de distribution, les miels du Ventoux caressent les papilles avec un éventail de goûts étonnants. On y retrouve tous les parfums des fleurs du terroir. Ainsi le thym lui donne un goût charpenté, tandis que la lavande lui laisse une saveur fruitée déclinée en deux versions : le miel crémeux, plus blanc, brassé en début de cristallisation, et le non crémeux, plus corsé. Le miel de ronce étonne par sa saveur de fruits rouges, celui d’acacia est prisé pour sa douceur, celui de châtaignier pour sa puissance. Sur les étals, la palette des miels couvre toutes les nuances du jaune pâle, translucide ou doré jusqu’au brun mat. En moyenne 2 000 tonnes par an sont produites en Vaucluse, mais la sécheresse a tendance à faire régresser la production. Deux labels rouges, « miel toutes fleurs de Provence » et « miel de lavande », ainsi qu’une IGP « Miel de Provence », ont permis d’estampiller ces produits d’excellence. Les autres produits de la ruche, gelée royale, pollen et propolis, connus pour leurs vertus curatives, sont également très recherchés.