La chèvre a longtemps gambadé
Les premières traces des chèvres sur nos terres accidentées de Provence datent du Vème siècle avant JC depuis les Balkans. Des petits troupeaux ont malgré tout marqué l’histoire et le paysage rural à leur façon. On note leur importance pendant les différentes invasions et guerres où le lait de chèvre et la viande des chevreaux restent un élément indispensable pour nourrir les familles. Cet élevage toujours présent, mais très discret, évolue au cours des siècles; plus le terrain est pauvre et accidenté plus les chèvres sont nombreuses. A la révolution, les terres sont redistribuées, c’est l’essor de l’agriculture avec son panel de nouvelles réglementations. Il est alors interdit pour les chèvres de gambader dans la nature, elles sont mises au piquet et on les retrouve aussi dans les troupeaux de brebis pour le fromageon de l’éleveur, certes, mais aussi pour nourrir les agneaux jumeaux que leur mère ne pouvait allaiter. En voie de disparition après la seconde guerre mondiale, les chevriers réapparaissent dans le paysage provençal dans les années 70.
Une spécialisation du métier
Très longtemps, l’autonomie alimentaire s’imposait comme une évidence dans les familles rurales grâce au jardin, à la basse-cour et aux fromages des quelques chèvres. Puis de nouveaux besoins ont émergé : on n’a plus le temps de faire ses fromages et son pain,…L’appel était là : on souhaitait pouvoir acheter son fromage et ainsi des éleveurs se sont spécialisés pour devenir fromagers fermiers. C’est pourquoi aujourd’hui, on peut déguster des fromages de chèvre fermiers présents sur tous les marchés du Ventoux, chez les fromagers et épiciers ou directement à la ferme. Le métier de chevrier est celui de fromager mais aussi de producteur de viande.
Des fromages affinés et raffinés
La fabrication du fromage de chèvre fermier suit tout un protocole dicté à la fois par la nature et les rencontres des différents constituants contenus dans le lait. La fabrication des fromages est entièrement manuelle, le salage aussi, c’est un repiquage des ferments du petit lait de la veille auquel on ajoute de la présure naturelle qui assure le caillage. Ce caillé pourra être déposé dans les moules dits faisselles par copeaux, à la louche ou pré égoutté dans un joli linge blanc. Encore un jour de patience pendant lequel le fromage sera retourné dans son moule, salé et le petit lait continuera à s’échapper. Enfin le lendemain, le fromage sera démoulé et déposé sur des claies. On peut déjà les manger en frais, salés ou sucrés, ou les accompagner par l’affinage jusqu’au stade optimum. Certains seront conduits longtemps vers le sec au goût puissant. D’autres vont être consommés en délicats mi-frais ou encore, en divins de douceur, les crémeux si appréciés dans notre Ventoux.
Entre tradition et imagination, le goût du fromager s’exprime alors. Outre la traditionnelle sarriette ou pebre d’ase, si aphrodisiaque qu’elle était interdite dans les couvents, il pourra s’aventurer vers toutes les formes et les parfums selon ses envies.