L’orangé de Provence
C’est le 14 juillet, que se déroule au Barroux, la Fête… de l’abricot ! Une simple concordance de temps entre un rendez-vous de la mémoire nationale et le souvenir d’une fierté bien locale, puisqu’il s’agit de rendre hommage au fameux marché qui se tenait à partir de cette date précise depuis les années 1930 jusqu’à la décennie 1970. Une fête dédiée exclusivement à l’abricot.
Autrefois donc, au cœur de l’été, une effervescence quotidienne gagnait le Barroux et les communes alentours pendant tout un mois : les confiseurs, les confituriers et les grossistes qui fournissaient les halles et étals de marché jusqu’à Paris venaient alors acheter en direct cette production réputée, prospérant au pied du versant sud-ouest du mont Ventoux.
L’abricot profite en effet ici d’un terroir idéal
Si moelleux et suave, fruit charnu à noyau (ce que l’on appelle une drupe), l’abricot profite en effet ici d’un terroir idéal, étagé à 350 mètres d’altitude, plutôt à l’adret, associant un sol argilo-calcaire drainant et un climat assez régulièrement venté pour atténuer les risques de gel lors d’une floraison précoce. L’abricotier se pare en effet de jolis bourgeons dès la mi-mars, juste après l’amandier et peu avant le cerisier. Il préfère donc les coteaux secs plutôt que la plaine, plus humide et plus sensible au givre tardif, si néfaste.
L’abricotier, de la famille des Rosaceae, connu à l’état sauvage depuis déjà deux millénaires et originaire de Chine, fut introduit en France dès la Renaissance et… baptisé par erreur « prunus armenieca », alias prunier d’Arménie ! Mais il faut attendre le XIXème siècle pour qu’il soit activement cultivé en Provence, notamment au pays du Ventoux. Avec le déclin « épisodique » de l’olivier et la crise du phylloxéra qui ravage le vignoble, les vergers d’abricotiers se multiplient à partir de 1882. Et soixante ans plus tard, juste avant-guerre, une centaine d’agriculteurs du Barroux se consacrent à ce fruitier, avec le tiers des 100.000 plants recensés dans la douzaine de communes qui s’enroulent autour des reliefs des Dentelles de Montmirail.
Las, aux côtés d’une vigne redevenue une activité majeure à partir des années 1970, l’abricotier finit par décliner peu à peu, se révélant assez fragile et modestement productif. Très sensible aux maladies, avec un taux de mortalité des arbres de 5% par an, l’abricotier ne fournit que 20 kilos de fruits par arbre environ, avec un rendement cyclique un peu plus important une année sur deux. En outre, il exige beaucoup de travail et de main d’œuvre. Il faut d’abord tailler méthodiquement chaque automne les ramages ; il faut ensuite « éclaircir » les jeunes pousses, un mois après la floraison, autrement dit réduire de moitié la quantité des bourgeons dits les « bouquets de Mai » afin de régulariser le cycle des récoltes. Enfin, on cueille le fruit délicat sur les branches, un à un, manuellement, juché sur un escabeau, entre juin et juillet.
Aujourd’hui, le village ne compte plus qu’une douzaine d’exploitations, qui témoignent toujours de cette polyculture caractéristique du Ventoux. Celle-ci est basée aujourd’hui sur une triple production : raisins de table (muscat AOP) et raisin de « cuve » (divers cépages pour l’appellation « vins du Ventoux » AOP), olives et autres vergers : cerisiers ou abricotiers.